ÉPILOGUE

Comment l’Empire a-t-il pris Gamorr sans tirer un coup de canon ? Ils ont atterri à l’envers et les Gamorréens ont cru qu’ils battaient en retraite !

 

Jacen Solo, quinze ans

 

Les taches pourpres laissées par le sang de son frère s’étaient peut-être effacées du visage et de la gorge de Jaina, mais pas de son cœur. Pourquoi ne l’avait-elle pas cru lorsqu’il avait dit qu’il tentait de sauver Tenel Ka et Allana ? Elle aurait dû sentir qu’il disait la vérité, ou au moins comprendre qu’il se serait bien gardé de demander grâce pour se sauver lui-même. Après tout, ils avaient été jumeaux et si elle avait bien voulu chercher le peu de bonté qu’il lui restait – la petite partie de Jacen qui n’était pas morte – elle l’aurait trouvée.

Jaina n’était pas assez idiote pour croire que cela aurait suffi à ramener son frère dans la lumière. Il s’était enfoncé trop loin dans les ténèbres pour cela. Mais si elle l’avait seulement cru, si elle n’avait pas été persuadée qu’il s’agissait d’une ruse Sith, elle aurait pu lui donner les deux secondes dont il avait besoin pour s’expliquer.

Et Allana serait peut-être toujours vivante.

Un doux sifflement s’éleva de l’entrée de la suite privée de convalescence de Jaina. Elle détourna le regard du miroir du plafond et vit ses parents entrer, leurs yeux brillants de joie et de soulagement.

— Hé, ma fille, dit son père. Content de te voir debout.

— J’appelle pas ça être « debout », papa.

Jaina se trouvait dans un meuble stérile de flottaison, suspendue en l’air, tandis qu’une brume nourrissante de Bacta tourbillonnait autour de sa chair brûlée et qu’un rideau opaque entourait, sans la toucher, sa peau nue.

— À moins que tu veuilles parler de ce qui se passerait s’il y avait une coupure de courant, dit-elle.

— Tu es sortie de la cuve, c’est déjà ça, dit sa mère en entrant dans la cabine à la suite de son mari. Nous pouvons au moins parler à présent au lieu de simplement sourire et nous faire des signes.

— J’aimais bien quand on se souriait et qu’on se faisait des signes. C’était bien de savoir que vous étiez là. (Jaina se tut puis reprit.) Mais j’ai tout un tas de questions.

Le visage de son père s’assombrit.

— Zekk ?

Jaina acquiesça.

— Pour commencer. Des nouvelles ?

— Aucune, dit-il. Ils ont trouvé quelques morceaux de StealthX flottants, mais plusieurs appareils se sont fait descendre et il est donc impossible de savoir duquel ils proviennent.

— Et sa balise de secours ?

— Il n’y a aucun signe qu’elle ait été activée, dit sa mère.

Contrairement aux balises de secours de la plupart des chasseurs stellaires, celles des StealthX n’étaient pas automatiques ; elles devaient être activées par le pilote ou son astromec lorsqu’il s’éjectait.

— Mais les Brumes sont plutôt épaisses dans les parages, ajouta-t-elle.

— Et aucune trace de lui dans la Force, évidemment, présuma Jaina. (C’était le meilleur moyen de le retrouver, mais encore fallait-il qu’il soit assez conscient pour être atteint.) Je n’ai rien senti.

— Luke a dit qu’ils allaient continuer à chercher. (Sa mère s’approcha du meuble et sembla prête à toucher Jaina, ce qui était strictement interdit.) Mais Mirta Gev t’envoie ses remerciements.

— Elle est donc rentrée à Mandalore ? demanda Jaina.

— Pas vraiment, dit son père. Elle est saine et...

— Et elle se remet bien, ajouta sa mère. Tout comme son mari : Ghes Orade, je crois.

— Mais pas sur Mandalore, dit son père. Boba Fett ne pourra plus jamais y retourner. Tout comme sa petite-fille.

— Quoi ? (Jaina avait du mal à imaginer ce qui pourrait empêcher l’un des deux de retourner sur son monde.) Pourquoi ?

— Les Moffs, expliqua son père. Ils étaient plutôt en colère à propos de cette attaque de commandos sur Nickel Un. Alors ils ont créé une souche spéciale de nanotueur simplement pour Fett et ils en ont lâché quelques tonnes dans l’atmosphère de Mandalore. Si Mirta ou lui y retournent, ils se feront attraper tôt ou tard.

— C’est affreux, dit Jaina en pensant à Mirta et à ce qu’elle prévoyait avec Ghes. (La Jedi se sentit alors mal.) Vous en êtes sûre ?

— Malheureusement, oui, dit sa mère. Tahiri en a parlé durant son premier interrogatoire et les Moffs l’ont confirmé.

— Ils prétendent que c’est irréparable, dit Han. Un Mand’alor qui ne peut plus mettre les pieds sur Mandalore ; une sorte de justice immanente, hein ?

— C’est peut-être juste, mais ça n’a rien d’immanent, dit Jaina. C’est triste... surtout pour Mirta.

Le silence retomba sur la pièce assez longtemps pour que sa mère lance un regard signifiant « fais attention » à son père. Puis Leia dit :

— Bon, nous avons de bonnes nouvelles.

— Jag va venir me voir ?

— Dès qu’il le pourra, lui promit son père. Il est assez occupé avec la conférence pour la paix en ce moment. Les Moffs n’ont pas encore compris qu’ils n’ont pas gagné la guerre.

— Gagné ? dit Jaina en haussant un sourcil. La guerre est finie ? Complètement ?

Sa mère acquiesça.

— La cérémonie a lieu en ce moment même. (Elle sortit une télécommande d’un compartiment dans le meuble de Jaina et la dirigea vers le vidécran accroché près du plafond.) Nous allons peut-être voir la fin.

Lorsque l’écran s’alluma, il afficha l’image d’une grande estrade qui avait été érigée à l’intérieur du grand hangar principal du Destroyer Stellaire. Devant l’estrade se trouvaient un podium et une haute table sur laquelle était posée une seule feuille de flimsiplast couverte de gribouillages : les signatures de la longue rangée de dignitaires assis à l’arrière de la plate-forme.

Une grande femme à l’allure majestueuse dans un uniforme blanc d’amiral, aux yeux verts et aux longs cheveux cuivrés virant au gris, monta sur le podium sous une ovation et un texte au bas de l’écran indiqua : LA NOUVELLE CHEF D’ÉTAT DE L’ALLIANCE DAALA.

— Daala ? souffla Jaina en regardant pendant un moment l’écran, incrédule, avant de ricaner et de regarder ses parents. Très drôle, mais je ne suis pas vraiment en état pour ce genre de blague.

Ses parents échangèrent des coups d’œil nerveux puis son père dit :

— Ce n’est pas une blague, ma fille. C’est le seul problème de l’accord de paix. Bwua’tu n’a pas voulu du poste ; il a dit qu’il était un amiral, pas un menteur...

— En fait, il a dit qu’il n’était pas assez rusé pour tenir à ce poste, l’interrompit sa mère. Et il a alors recommandé l’amirale Daala.

— Je crois que le vieux barbu a craqué sur elle, dit son père.

Sa mère, exaspérée, lui lança un regard mauvais.

— Les sentiments de l’amirale ne sont que de la spéculation, évidemment, dit-elle. Mais Daala s’est avéré être le seul choix acceptable par tous.

— Par tous ? demanda Jaina. Vraiment ?

— Bon, certains Moffs ont un peu traîné les pieds, avoua son père. Mais Jag est parvenu à un accord dans lequel Daala accepte de passer l’éponge si la moitié des nouveaux Moffs deviennent des femmes.

Jaina avait la tête qui tournait. Des Moffs femmes. Daala à la tête de l’Alliance. Ça n’allait pas être bon pour les Jedi. Mais peu importait, si cela devait mettre fin à la guerre.

— Daala n’est sans doute pas si mauvaise, dit son père. Donne-lui une chance.

— D’accord, dit Jaina en tournant le regard vers l’écran où l’amirale était sur le podium, attendant que les applaudissements cessent. Écoutons ce qu’elle a à dire.

La mère de Jaina augmenta le volume. Au bout d’un moment, Daala se mit à parler d’une voix grave et cultivée.

— Que puis-je ajouter qui n’a pas déjà été dit ? Si cette guerre nous a appris une chose, c’est que lorsque nous nous battons, nous en sortons tous perdants. Mes amis, il est temps d’essayer une nouvelle façon...

Elle dut à nouveau s’arrêter et attendre que les applaudissements cessent. Cela prit quasiment une minute. Lorsqu’elle put enfin poursuivre, elle dit :

— Une nouvelle façon de collaborer, pour que nous puissions gagner tous ensemble.

Encore un tonnerre d’applaudissements.

Daala demanda le silence d’un geste puis reprit :

— Mes amis, je vous promets aujourd’hui que, dans un avenir proche, nous vivrons dans une galaxie où nos marines spatiales serviront à améliorer nos sociétés et pas à la défendre, où nous n’aurons plus besoin des Jedi pour résoudre nos différences et rendre la justice, parce que nous vivrons sous un gouvernement qui sera juste.

La foule se leva en l’acclamant et Jaina comprit avec un frisson glacé que Jacen n’avait pas échoué. Il avait tout sacrifié – son nom, sa famille, sa réputation, sa vie – pour unir la galaxie. Et, à présent, Jaina était témoin de la naissance, à l’échelle de la galaxie, d’une ligue de mondes destinés à travailler ensemble en paix.

Jacen n’avait-il pas gagné finalement ?

— Hé, du calme, ma fille, dit son père en s’avançant devant l’écran. Daala n’est pas si effrayante.

— Désolé, papa, dit Jaina, ravie de regarder son visage plutôt que celui de Daala. Ce n’est pas elle. Je pensais juste à... à ce que Caedus avait sacrifié. À la fin, il s’est arrêté de combattre une seconde pour pouvoir prévenir Tenel Ka.

Jaina ne put se résoudre à regarder ses parents lorsqu’elle leur raconta la suite, mais elle devait leur dire. Ils méritaient de savoir.

— Je crois qu’il est redevenu Jacen pendant une seconde avant que je... avant que je le tue.

— Jaina, c’est bon, dit sa mère tendant une main pour lui toucher le bras et en se retenant de justesse. Si tu avais hésité, tu serais morte.

Jaina secoua la tête.

— J’aurais pu lui accorder une seconde, dit-elle. Si je l’avais fait, peut-être qu’il aurait pu faire comprendre à Tenel Ka ce qui se passait à temps pour sauver Allana.

Jaina s’efforça de regarder ses parents et fut stupéfaite de voir qu’ils ne paraissaient pas du tout bouleversés. En fait, ils semblaient un peu coupables.

— Ouais, à ce propos, dit son père, il y a quelque chose que nous ne t’avons pas encore dit.

Jaina fronça les sourcils.

— Quoi ?

Sa mère alla à la porte et l’ouvrit avant de dire :

— Amélia, pourrais-tu venir ici une minute ?

Jaina regarda son père.

— Amélia ?

— Une orpheline de guerre, dit-il. Il se trouve qu’elle est sensible à la Force. Ta mère et moi allons lui servir de tuteurs pendant qu’elle sera à l’Académie Jedi.

Jaina commença à avoir des soupçons.

— Une orpheline ?

— C’est ce qu’on nous a dit, expliqua sa mère. Mais il est possible que sa mère se soit dit que l’Académie Jedi serait un environnement plus sûr que celui qu’elle pourrait lui offrir.

Elle fit entrer une enfant nerveuse d’à peu près quatre ou cinq ans dans la pièce. Elle avait la peau basanée et des cheveux noirs coupés court et, pendant un instant, Jaina ne la reconnut pas. Mais le nez en trompette la trahissait, tout comme les traces de son frère et de Tenel Ka qu’elle sentait dans la présence de Force de la fillette.

— Bonjour Jaina, dit Allana de sa petite voix. Ils m’ont dit que nous allons être sœurs maintenant.

Jaina sourit, le cœur brusquement empli d’une joie qu’elle n’aurait jamais cru concevable à peine dix secondes plus tôt.

— Ça doit être vrai, Amélia. Bienvenue dans la famille.